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dimanche 28 septembre 2025

HAITI ET LE MONDE À LA CROISEE DES CHEMINS NO 59 : LA CRISE HAÏTIENNE ET L’ORDRE INTERNATIONAL A L’EPREUVE : RECOMPOSITIONS, DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES

 

HAITI ET LE MONDE À LA CROISEE DES CHEMINS NO 59 : LA CRISE HAÏTIENNE ET L’ORDRE INTERNATIONAL A L’EPREUVE : RECOMPOSITIONS, DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

28 SEPTEMBRE 2025

Analyse des faits mondiaux, de la situation haïtienne et des enjeux pour l’ordre international

Introduction

Le mois de septembre 2025 s’est imposé comme un moment charnière, révélant la profondeur des bouleversements qui traversent à la fois Haïti et l’ordre international. La multiplication des foyers de tension, la réaffirmation de principes diplomatiques sans effet tangible sur le terrain, la montée des incertitudes économiques et technologiques, ainsi que l’aggravation de la crise haïtienne, dessinent le tableau d’un monde au seuil d’une ère nouvelle. Dans ce contexte, la crise haïtienne, loin d’être un phénomène isolé, s’inscrit dans une dynamique globale de fragmentation des souverainetés, de privatisation de la sécurité et de recomposition des alliances. Ce constat soulève une problématique centrale : Haïti n’est-elle que le miroir grossissant des dysfonctionnements de l’ordre international, ou bien le laboratoire d’un nouvel équilibre mondial encore à inventer ? L’ambition de cet article est de mettre en lumière les faits marquants mondiaux, d’examiner en profondeur la situation haïtienne, puis de croiser ces dynamiques pour montrer comment le cas haïtien éclaire la fabrique d’un ordre international en recomposition.

I. Faits marquants mondiaux : diplomatie, conflits, économie et technologie

    Diplomatie et recompositions régionales

L’actualité diplomatique de septembre 2025 a été dominée par un événement majeur : la reconnaissance officielle de l’État de Palestine par l’Australie, le Canada, la France, le Portugal et le Royaume-Uni. Cette décision, prise lors d’une conférence onusienne coprésidée par la France et l’Arabie Saoudite, a ravivé l’espoir d’une solution à deux États, bien que la réalité sur le terrain, notamment à Gaza où l’armée israélienne a lancé une offensive terrestre d’envergure contre le Hamas, reste marquée par l’inflexibilité et la violence1. Parallèlement, l’Espagne a plaidé pour l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU, illustrant une volonté de rééquilibrage multilatéral(1).

    La 80e Assemblée générale des Nations unies : crise du multilatéralisme

La 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies, réunissant à New York chefs d’État et de gouvernement, a mis en exergue les enjeux de sécurité, la crise à Gaza et la nécessité de refonder le multilatéralisme. Toutefois, la fragmentation des alliances et la prégnance des intérêts nationaux ont limité la portée des engagements, renvoyant l’image d’un système international en quête de repères et d’efficacité (2).

    Conflit russo-ukrainien : escalade et impasses

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a connu une nouvelle intensification, la Russie menant la plus vaste attaque aérienne contre l’Ukraine depuis 2022, mobilisant plus de 800 drones et une dizaine de missiles, frappant jusqu’au siège du gouvernement ukrainien3. Cette escalade traduit l’enlisement d’une guerre qui repousse chaque jour davantage les limites du droit international et de la sécurité collective(3).

    Afrique et Amérique latine : foyers de violence et de résistance

Sur le continent africain, la situation sécuritaire demeure préoccupante, en particulier au Niger, où le djihadisme continue de semer la mort, avec au moins 27 soldats tués lors de deux attaques coordonnées dans le Grand Sahara4. En Amérique latine, le Venezuela a annoncé la saisie record de 60 tonnes de cocaïne depuis le début de l’année, mettant en lumière la persistance et la sophistication des réseaux transnationaux du narcotrafic (4).

    Économie et technologie : tensions et vulnérabilités

L’économie mondiale reste sous tension, l’inflation accélérant aux États-Unis à un rythme inédit depuis plusieurs années. Parallèlement, la décision du président américain de repousser l’échéance du rachat de TikTok cristallise les tensions sino-américaines sur la souveraineté numérique5. Les vulnérabilités technologiques sont également illustrées par la cyberattaque contre Jaguar Land Rover, qui a paralysé la production de l’entreprise et rappelé la fragilité des infrastructures industrielles à l’ère numérique (5).

II. Haïti : sécurité, crise humanitaire, politique, société et culture

    Insécurité croissante et crise humanitaire aggravée

Haïti s’enfonce dans une spirale de violence où les gangs armés dictent leur loi sur de larges pans du territoire. Les attaques meurtrières se multiplient, notamment à Bassin Bleu, à Simon Pelé (où une attaque de drones a tué 15 personnes, dont 8 enfants), et à Labodri, théâtre d’un massacre dénoncé par la société civile. Cette escalade des violences nourrit une crise humanitaire aiguë, entravant la vie quotidienne et accentuant la vulnérabilité des populations (6).

    Appels à l’internationalisation de la sécurité

Face à l’incapacité de l’État haïtien à rétablir l’ordre, de nouveaux appels sont lancés pour une force internationale plus proactive. Les États-Unis plaident pour une mission dotée d’un mandat élargi de lutte contre les gangs, tandis que le Canada s’engage à verser 60 millions de dollars d’aide, conditionnés à un soutien onusien à une « force de répression ». Cette internationalisation de la sécurité transforme la souveraineté haïtienne en variable d’ajustement des intérêts stratégiques externes (7).

    Justice, flux illicites et pression américaine

L’arrestation de l’homme d’affaires Dimitri Vorbe par les autorités américaines en Floride, ainsi que la saisie massive d’armes et de stupéfiants en provenance des États-Unis, illustrent l’ampleur des réseaux transnationaux et la dépendance d’Haïti à l’égard de la justice étrangère (8).

    Crise politique et défi éducatif

La crise politique s’accentue, comme en témoigne l’exaspération du président kényan William Ruto à la tribune de l’ONU face à la paralysie du dossier haïtien, révélant les blocages de la Mission multinationale. Sur le plan intérieur, le Plan décennal d’éducation et de formation demeure dans l’impasse, la réouverture des classes à Bassin Bleu étant compromise par la situation sécuritaire (9).

    Culture et résilience

Malgré ce contexte difficile, lors de la cérémonie annuelle de Ballon d’or, la 69e qui a vu le sacre de Dembélé et de Paris Saint-Germain, la performance de Melchie Dumornay, classée 18e au Ballon d’or, offre un rare motif de fierté nationale, rappelant la vitalité et la résilience de la jeunesse haïtienne face à l’adversité (10).

III. Analyse croisée : Haïti, reflet des recompositions de l’ordre international

Les convulsions haïtiennes ne sauraient être isolées des dynamiques globales observées à travers le monde. La fragmentation de la souveraineté, la privatisation de la sécurité et la manipulation des flux migratoires font d’Haïti un laboratoire, voire un symptôme, des recompositions de l’ordre international6. L’externalisation de la gestion sécuritaire, la dépendance à l’aide conditionnée et l’impuissance des institutions nationales résonnent avec les limites du multilatéralisme et la montée de l’arbitraire géopolitique observées ailleurs. L’onde de choc du conflit russo-ukrainien, la recomposition des alliances au Moyen-Orient, les vulnérabilités économiques et numériques : tous ces facteurs convergent pour accentuer l’instabilité haïtienne, tout en révélant la porosité croissante des frontières entre crises locales et désordres globaux.

Ainsi, Haïti n’est plus seulement un théâtre de crise nationale, mais un terrain d’expérimentation des nouveaux modes de gestion de l’insécurité, de la gouvernance conditionnelle et des interventions internationales. Ce cas met en lumière l’incapacité des structures multilatérales à apporter des réponses durables, tout en révélant la marchandisation croissante de la sécurité et la transformation de la souveraineté en fiction juridique.

Conclusion : vers un nouvel ordre mondial incertain

    Vers un nouvel ordre mondial incertain

Le mois de septembre 2025 a incarné tous les paradoxes de la scène internationale contemporaine. D’une part, on observe une réaffirmation vigoureuse de grands principes diplomatiques, portés lors de conférences et tribunes internationales, mais ceux-ci peinent à se traduire par des avancées concrètes sur le terrain. Les initiatives multilatérales et les efforts de la communauté internationale se sont multipliés, toutefois sans produire de résultats tangibles, laissant les crises s’enliser et les sociétés concernées dans l’attente de solutions efficaces. Parallèlement, la période a été marquée par une intensification des violences et des inégalités, notamment en Haïti, qui concentre de manière exemplaire les défis de cette nouvelle ère d’incertitude.

Désormais, Haïti et le reste du monde partagent une même impression d’incertitude face à l’avenir. L’ordre international semble en pleine mutation, où la sécurité, autrefois considérée comme un bien public, se transforme en marchandise ; la souveraineté des États apparaît de plus en plus comme une notion abstraite, voire fictive, et le futur s’impose comme un pari sur l’inconnu. Dans ce contexte, seule une véritable refondation des solidarités, à la fois locales et internationales, pourrait permettre de rompre la spirale du chaos. Il s’agirait alors d’offrir aux sociétés, à commencer par Haïti, la possibilité de se réapproprier leur destin et d’imaginer un avenir commun, fondé sur une coopération renouvelée et sur le dépassement des clivages actuels.

Annexe : Liste des références utilisées dans l’article

1.       1)Reconnaissance de l’État de Palestine et dynamique diplomatique lors de la conférence onusienne coprésidée par la France et l’Arabie Saoudite.

2.       2)80e session de l’Assemblée générale des Nations unies : fragmentation des alliances et crise du multilatéralisme.

3.       3)Offensive aérienne russe contre l’Ukraine : intensification du conflit et remise en cause du droit international.

4.       4)Situation sécuritaire au Niger (djihadisme) et lutte contre le narcotrafic au Venezuela.

5.      5) Tensions économiques et technologiques : inflation américaine, tensions sino-américaines autour de TikTok, cyberattaque contre Jaguar Land Rover.

6.     6)  Violence des gangs en Haïti : attaques meurtrières, crise humanitaire, perte de contrôle de l’État.

7.      7) Appels à l’internationalisation de la sécurité haïtienne : initiatives américaines et canadiennes, conditionnalité de l’aide.

8.       8)Justice transnationale : arrestation de Dimitri Vorbe, saisies d’armes et de stupéfiants en provenance des États-Unis.

9.      9) Blocages politiques : intervention du président kényan à l’ONU, difficultés du Plan décennal d’éducation.

10.   10)Résilience culturelle : performance de Melchie Dumornay au Ballon d’or.

 

jeudi 28 août 2025

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 58 : AU BORD DE LA RUPTURE : UKRAINE, TRUMP, HAÏTI ET LA FABRIQUE D’UN NOUVEL ORDRE INCERTAIN

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 58 : AU BORD DE LA RUPTURE : UKRAINE, TRUMP, HAÏTI ET LA FABRIQUE D’UN NOUVEL ORDRE INCERTAIN

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

28 AOUT 2025

 

En cette fin d’été 2025, le monde donne le spectacle d’un désordre généralisé [1]. En Ukraine, la guerre s’intensifie à coups de missiles et de drones, frappant indistinctement civils et infrastructures, tandis que Moscou subit désormais des attaques économiques directes [2]. Les sommets entre Donald Trump, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky révèlent moins une diplomatie constructive qu’une logique de rapports de force personnels, les Européens apparaissant en second plan [3]. Parallèlement, les fractures internes américaines, alimentées par l’affaire Epstein et la question des déportations massives, dont Haïti paie le prix, fragilisent la cohérence d’une puissance censée piloter l’ordre international [4].

Haïti, de son côté, vit une désagrégation sans précédent. Des pans entiers du territoire échappent à l’État au profit de gangs qui instaurent une gouvernance parallèle et s’imposent comme acteurs géopolitiques de fait [5]. La transition politique de Fritz Jean à Saint-Cyr, les remaniements policiers ou les sanctions ciblées n’y changent rien : l’insécurité persiste, nourrie par des flux financiers transnationaux et par l’incapacité de l’État à répondre [6]. Le déploiement de la Mission multinationale dirigée par le Kenya reste suspendu aux arbitrages financiers de l’ONU, transformant la sécurité haïtienne en produit marchand négocié sur les places diplomatiques [7].

Dans ce miroir brisé, se dessine une tendance plus large : fragmentation des souverainetés, privatisation de la sécurité, manipulation des flux migratoires [10]. Haïti devient ainsi le symptôme d’un monde où l’ordre ancien ne parvient plus à s’imposer et où le futur se devine comme une fabrique d’instabilité [14].

Cet aperçu est développé point par point dans les paragraphes suivants, (i) le monde en convulsions, (ii) Haïti : l’État face au miroir de sa désagrégation, (iii) Haïti et les logiques internationales de la crise, jusqu’à  des  Conclusions et Perspectives d’un monde fracturé.

I. Le monde en convulsions

La guerre en Ukraine, loin de s’essouffler, s’intensifie [2]. Les drones et missiles fauchent quotidiennement des vies civiles, tandis que les infrastructures militaires, énergétiques et industrielles sont ciblées de part et d’autre du front [2]. Désormais, la Russie subit à son tour des destructions économiques directes, ce qui marque une extension qualitative du conflit [2]. Cette guerre, inscrite dans la durée, redessine les logiques militaires mondiales en faisant du champ ukrainien le laboratoire d’une confrontation technologique où le coût des drones bon marché défie les systèmes de défense sophistiqués [2].

Au cœur de ce brasier, la diplomatie se cherche. Le sommet Trump-Poutine tenu en Alaska le 15 août 2025, suivi trois jours plus tard de l’entrevue Trump-Zelensky à Washington, illustre une diplomatie fragmentée, réduite à des face-à-face entre chefs d’État [3]. La présence d’Emmanuel Macron et d’autres dirigeants européens aux côtés du président ukrainien révèle autant leur volonté d’exister sur la scène mondiale que leur dépendance à l’agenda américain [3]. Ces rencontres reflètent moins une recherche d’équilibre géopolitique qu’un théâtre de rapports de force personnels où seule la puissance immédiate semble compter [3].

Mais comment construire un ordre international cohérent lorsqu’au sein même des États-Unis, l’effritement institutionnel s’expose ? L’affaire Epstein, aux ramifications transversales touchant Trump, Clinton et Obama, nourrit un climat d’opacité et de méfiance [4]. Parallèlement, les débats sur les tarifs douaniers et la multiplication des déportations massives (dont Haïti est l’un des réceptacles privilégiés) traduisent une Amérique en repli, tentée d’ériger des murs économiques et humains pour repousser les contradictions de la mondialisation dont elle reste pourtant l’architecte principale [4][13].

II. Haïti : l’État face au miroir de sa désagrégation

Dans un monde traversé par les convulsions, Haïti demeure l’exemple achevé d’une souveraineté en miettes [5]. L’insécurité endémique ravage la zone métropolitaine de Port-au-Prince et s’étend à l’Artibonite (La Chapelle, Liancourt, Marchand-Dessalines, Petite-Rivière) ainsi qu’au Bas Plateau central (Mirebalais, Lascohobas) [5]. Ces zones ne se contentent plus d’être abandonnées par l’État : elles sont désormais administrées par des gangs qui imposent leur loi, organisent le commerce et prélèvent des « taxes », constituant une gouvernance parallèle [5].

Les États-Unis, loin de rester spectateurs, intensifient la judiciarisation de la crise : arrestation de Réginald Boulos sur leur sol, prime de 5 millions de dollars pour la capture de Jimmy Chérizier, dit Barbecue, tentatives de frapper sélectivement les chefs de réseau [8]. Mais ces initiatives s’entrechoquent avec une réalité plus triviale : faute de contrôle territorial, chaque sanction nourrit la capacité d’adaptation des gangs, qui se renforcent grâce à des flux financiers et logistiques transnationaux [10]. L’éventualité même d’un contrat attribué à une société privée comme Blackwater pour la sécurisation des ports et des douanes pendant dix ans illustre ce désengagement de l’État au profit de la sécurité privatisée [9].

Dans ce paysage de dissolution, la politique institutionnelle poursuit sa fuite en avant[6]. Le président Saint-Cyr a remplacé Fritz Jean, chacun livrant des discours aux tonalités différentes mais incapables de modifier le rapport de force réel [6]. La Police nationale, soumise à de constants remaniements, change de direction générale mais sans transformation structurelle, demeurant une armée fragile face à des gangs surarmés [6]. L’arrestation de figures politiques comme l’ex-sénateur Nenel Cassy ou l’ancienne mairesse de l’Arcahaie, Rosemilia Petit-Frère, accentue l’impression d’un champ politique réduit à la répression ponctuelle, sans horizon collectif clair [6].

III. Haïti et les logiques internationales de la crise

La Mission Multinationale de Sécurité (MMSS), confiée au Kenya, devait marquer un tournant [7]. Mais son déploiement reste conditionné par le financement onusien, réduisant l’intervention à une transaction : aucun État n’accepte de s’engager sans contrepartie [7]. La sécurité haïtienne devient ainsi un objet de marchandage international, révélateur de la fatigue humanitaire globale face à un pays perçu non seulement comme une tragédie humaine, mais comme un « problème » régional, migratoire et sécuritaire [7][14].

Car les ramifications dépassent le territoire national. L’implication de citoyens étrangers soupçonnés de financer des gangs, ou encore les annonces récurrentes d’Erik Prince, fondateur de Blackwater, proposant des solutions mercenaires, confirment que la crise haïtienne s’inscrit dans l’économie grise transnationale des armes et de la sécurité privée [9][10]. Par ce prisme, Haïti n’est pas une exception mais bien l’avant-garde d’une dynamique mondiale où la souveraineté des États faibles est vampirisée par des acteurs privés et criminels [10][14].

Cette désintégration territoriale se répercute directement sur les frontières [11]. Les zones de contrebande et d’affrontements le long de la frontière dominicaine menacent les échanges commerciaux et déstabilisent les relations bilatérales déjà fragiles [11]. En retour, les expulsions massives de migrants haïtiens s’intensifient : incapables de les accueillir, les autorités haïtiennes contribuent à transformer le drame humanitaire en un vecteur d’instabilité régionale [12].

IV. Conclusions et Perspectives d’un monde fracturé

    Conclusions

Le monde contemporain, qu’il s’agisse du front ukrainien ou des ruelles de Port-au-Prince, esquisse un même paysage de fragmentation et d’incertitude [1][2][5]. À travers ces scènes en apparence disjointes se dessine un nouvel ordre mondial incertain où les États faillis, les puissances réaffirmées, et les acteurs privés tissent une toile où s’effacent les contours traditionnels de la souveraineté [10][14].

Haïti, à la croisée des chemins, devient ainsi l’un des miroirs les plus brutaux de ce basculement global : un pays où l’État se délite, où la gouvernance devient privée ou criminelle, et où la survie dépend de la charité internationale devenue elle-même aléatoire [5][14]. Dans cette trajectoire, Haïti ne fait pas exception : elle annonce peut-être la tendance de ce « nouveau désordre mondial » [14].

     Perspectives

Les prochains mois verront peut-être l’amorce d’un accord partiel en Ukraine, mais il portera les traits d’un compromis imposé, négocié par les puissances plutôt que par les peuples [2][3]. Aux États-Unis, l’affaire Epstein et la polarisation interne paralysent la capacité d’action cohérente d’un pays appelé pourtant à arbitrer la marche du monde [4][13]. Et les politiques tarifaires couplées aux expulsions massives annoncent un ordre migratoire et économique centré sur le cloisonnement plutôt que l’intégration [4][12][13].

Haïti, quant à elle, demeure prisonnière d’une spirale où l’insécurité, l’impunité et l’ingérence internationale se nourrissent mutuellement [14]. Gouvernance parallèle des gangs, police fragilisée, intervention multinationale conditionnée par l’argent et dépendance aiguë à l’aide internationale : tous ces éléments dessinent le portrait d’une souveraineté ravagée [5][6][7][14]. Les sanctions ciblées, comme celles imposées par le Canada contre certaines élites haïtiennes, révèlent leurs limites : sans appareil étatique solide, elles restent symboliques [15].

 

Annexe : Références numérotées

[1] Analyse du contexte global, 28 août 2025

[2] Extension du conflit ukrainien : frappes sur civils et infrastructures, 2025

[3] Sommet Trump-Poutine (Alaska, 15 août 2025), rencontre Trump-Zelensky (Washington, 18 août 2025)

[4] Affaire Epstein et politiques migratoires américaines, 2025

[5] Expansion des gangs dans la zone métropolitaine et en province, été 2025

[6] Transition politique de Fritz Jean à Saint-Cyr et remaniements policiers, 2025

[7] Blocage du financement de la MMSS sous l’égide du Kenya, ONU, 2025

[8] Arrestations de Réginald Boulos et offre de prime pour Jimmy Chérizier par les États-Unis, 2025

[9] Propositions d’Erik Prince (Blackwater) concernant la sécurisation des sites stratégiques, 2025

[10] Finance transnationale et économie grise, 2025

[11] Instabilité frontalière avec la République dominicaine, 2025

[12] Expulsions massives de migrants haïtiens par les pays de la région, 2025

[13] Blocages institutionnels et diplomatiques américains, 2025

[14] Spirale de dépendance, privatisation de la sécurité et gouvernance parallèle, 2025

[15] Limites des sanctions internationales, exemples canadiens, 2025

vendredi 25 juillet 2025

Haïti et le monde à la croisée des chemins n°57 : Trump, Poutine, gangs et Constitution : le monde et Haïti à l’épreuve du réel

 Haïti et le monde à la croisée des chemins n°57 : Trump, Poutine, gangs et Constitution : le monde et Haïti à l’épreuve du réel

Analyse géopolitique approfondie et perspectives nationales  

Jean-Robert Jean-Noël
26 juillet 2025

Alors que le mois de juillet 2025 touche à sa fin, Haïti se trouve à une période charnière de son histoire politique contemporaine. Sous la pression d’événements internationaux d’envergure et confronté à des crises internes aiguës, le pays doit redéfinir ses équilibres sociaux, économiques et institutionnels. Ce dossier propose une analyse approfondie des dynamiques mondiales — marquées par la montée de l’unilatéralisme américain, le retour de la guerre en Europe de l’Est, et l’affirmation des pôles émergents — ainsi qu’un examen détaillé des défis spécifiques auxquels Haïti fait face, entre instabilité politique, violence des gangs, mutation institutionnelle et enjeux migratoires. Des chiffres-clés, et des références actualisées viendront étayer cette réflexion, avant de conclure et de dégager des perspectives.

I. Le monde en tension : entre unilatéralisme américain, conflits persistants et recompositions

1.1. Offensive tarifaire américaine et réalignements géopolitiques

Le 1er août 2025, l’administration Trump annonce une hausse spectaculaire des droits de douane à hauteur de 50 % sur les importations du Brésil, estimées à plus de 25 milliards de dollars américains par an (Institut Brésilien de Statistique, 2025). Cette mesure, qui succède à une série de sanctions économiques imposées à la Chine, provoque une onde de choc immédiate sur les marchés émergents. En conséquence, l’indice BOVESPA (Bolsa de Valores de São Paulo) chute de 8,7 % en une seule séance, tandis que le real brésilien perd 12 % de sa valeur face au dollar en moins de deux semaines.

Dans une réaction à la fois rapide et coordonnée, le Brésil signe de nouveaux accords commerciaux avec la Chine (qui représente déjà 31 % de ses exportations en 2024), marquant un tournant stratégique et l’émergence de nouveaux pôles économiques hors de la sphère occidentale. Cette polarisation s’accentue par le renforcement des alliances au sein des BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, auxquels s’ajoutent l’Arabie saoudite, l’Égypte et l’Iran en 2025), dont le commerce intra-groupe a progressé de 17 % sur l’année.

1.2. Affaire Epstein et fragilisation de l’administration Trump

L’affaire Jeffrey Epstein resurgit dans l’actualité politique américaine avec la divulgation, par le Wall Street Journal, d’une lettre inédite de 2003 censée établir des liens compromettants entre l’ancien financier et Donald Trump [2]. Cette révélation relance le débat sur la transparence gouvernementale, alors que 63 % des Américains interrogés dans un sondage Pew Research (juillet 2025) estiment que l’administration cache des informations essentielles au public.

En réaction, la Maison-Blanche prend des mesures inédites, interdisant l’accès du Wall Street Journal à la prochaine mission présidentielle en Écosse. Cette décision, qualifiée de « menace à la liberté de la presse » par Reporters sans frontières, est largement relayée dans les médias internationaux, tandis que le Congrès américain convoque une commission d’enquête bipartisane sur la gestion de la crise à la Maison-Blanche.

1.3. Politique migratoire, TPS et conséquences pour Haïti

Dans un contexte de tensions économiques et sociales exacerbées, l’administration américaine annonce le 22 juillet 2025 la fin du Statut de Protection Temporaire (TPS) pour Haïti [3]. Au total, 348 000 Haïtiens, soit environ 15 % de la diaspora haïtienne aux États-Unis, sont exposés à un risque d’expulsion immédiate. Parmi eux, près de 9 000 personnes sont inscrites sur des listes de surveillance pour « relations présumées avec des réseaux criminels transnationaux ».

Des associations de défense des droits humains alertent sur l’impact humanitaire de cette mesure : selon Human Rights Watch, 27 % des personnes concernées sont des enfants ou des jeunes de moins de 18 ans, tandis que 41 % n’ont plus de liens familiaux directs en Haïti. Les transferts de fonds de la diaspora, déjà en baisse de 6 % depuis le début de l’année, pourraient reculer de plusieurs centaines de millions de dollars, aggravant la crise économique nationale.

II. Haïti : entre instabilité politique, crise sécuritaire et mutation institutionnelle

2.1. Arrestation de Pierre Réginald Boulos et tensions politiques

Le 17 juillet 2025, les autorités américaines arrêtent à Miami l’homme d’affaires et ancien candidat à la présidentielle haïtienne, Pierre Réginald Boulos. Il est accusé, selon un acte d’inculpation du District de Floride, de soutien logistique à des groupes criminels opérant dans l’Artibonite et la région métropolitaine de Port-au-Prince. L’enquête, menée conjointement avec Interpol, met en lumière des circuits financiers transnationaux et implique la saisie de 4,3 millions de dollars sur des comptes offshore.

Les réactions politiques à Port-au-Prince sont immédiates : plusieurs partis de l’opposition dénoncent une instrumentalisation judiciaire, tandis que la société civile appelle à une plus grande transparence sur les liens entre élites économiques et criminalité organisée. D’après une enquête du journal Le Nouvelliste (édition du 18 juillet 2025), 54 % des personnes interrogées craignent une intensification des tensions politiques dans les semaines à venir [6].

2.2. Prise de Marchand-Dessalines par des gangs et intensification de la crise sécuritaire

En juillet 2025, des groupes armés prennent le contrôle de Marchand-Dessalines, ville stratégique de 37 000 habitants au cœur de l’Artibonite. Cette prise marque un tournant dans la crise sécuritaire nationale : depuis le début de l’année, 16 localités majeures sont tombées sous contrôle de gangs, et le Haut-Commissariat des Nations unies chiffre à 1 265 le nombre de morts civiles dans l’Artibonite pour le premier semestre 2025 (+38 % par rapport à 2024).

Face à cette situation, la Police Nationale d’Haïti (PNH) annonce avoir mené 112 opérations anti-drogue et procédé à la saisie de 1,8 tonne de stupéfiants depuis janvier. Pourtant, la faiblesse structurelle des institutions et l’exode des cadres (plus de 2 000 policiers ont quitté le pays en 18 mois) compliquent la restauration de l’ordre public.

Parmi les victimes, l’UNICEF recense plus de 13 400 enfants déplacés à l’intérieur du pays, tandis que les écoles de la région affichent un taux d’absentéisme dépassant 61 % pour les élèves du primaire en juin 2025.

2.3. Visite du président colombien et coopération régionale renforcée

Le 19 juillet 2025, le président colombien effectue une visite officielle à Port-au-Prince, accompagné d’une délégation de 32 responsables sécuritaires et économiques. Selon le communiqué conjoint, les discussions portent sur la coopération en matière de lutte contre la criminalité transnationale et le soutien logistique à la police haïtienne [5]. La Colombie annonce l’ouverture d’un programme de formation de 120 policiers haïtiens par an à Bogotá, ainsi que l’octroi d’une aide financière de 18 millions de dollars sur trois ans pour renforcer la sécurité des frontières.

Cette visite, saluée par l’Union africaine et l’Organisation des États américains, marque une étape vers une diplomatie régionale plus active, alors que Haïti cherche à diversifier ses partenariats stratégiques pour sortir de l’isolement diplomatique.

2.4. Projet constitutionnel et débat public

Le projet de la nouvelle constitution, remis au Gouvernement en juin 2025, divise profondément la société civile. Selon les premières analyses (Commission constitutionnelle, rapport 2025), le texte prévoit la création d’un poste de Premier ministre fort, la suppression du Sénat et une rationalisation des pouvoirs décentralisés. Parmi les points controversés : la concentration accrue des pouvoirs exécutifs, critiquée par 67 % des personnes interrogées dans un sondage mené par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH, juillet 2025) [6].

Le débat public s’intensifie à mesure que les échéances électorales approchent. Les associations féministes, regroupant près de 28 000 membres, réclament l’inscription d’un quota de 40 % de femmes au Parlement. Les organisations de la jeunesse, quant à elles, dénoncent un manque de consultations et appellent à une mobilisation citoyenne pour garantir la légitimité du processus constitutionnel.

III. Conclusions et perspectives

L’analyse des dynamiques récentes révèle une conjoncture complexe, où Haïti se trouve à la croisée des chemins. La spirale d’instabilité interne, nourrie par la violence des gangs et la faiblesse des institutions, est aggravée par un environnement international marqué par la volatilité des alliances et l’expansion des pôles émergents. Sur le plan économique, la contraction du PIB haïtien, estimée à -3,2 % au premier semestre 2025, et la baisse des investissements étrangers directs de 19 % témoignent de l’ampleur du défi.

Pour les analystes, les priorités nationales demeurent la reconstruction institutionnelle, la restauration de la sécurité, la lutte contre la corruption (indice Transparency International : 171e sur 180 pays) et la promotion d’une gouvernance plus inclusive. La coopération régionale, symbolisée par l’accord avec la Colombie, pourrait apporter des solutions innovantes à une crise multidimensionnelle qui exige mobilisation, solidarité internationale et réforme structurelle.

Références

[1] Scribbr. (2020). Citer un article de presse. [URL]

[2] Wall Street Journal, 2025. "Epstein Letters and White House Transparency".

[3] US Department of Homeland Security, July 2025, « Termination of TPS for Haiti ».

[4] Nos langues. (2022). « Communication claire : mots de liaison – Clés de la rédaction ». [URL]

[5] Communiqué de la Présidence colombienne, 2025.

[6] Le Nouvelliste, juillet 2025, « Débats sur la nouvelle Constitution ».

 

 

São Paulo

lundi 30 juin 2025

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS NO 56 : La force supplante-t-elle le droit ? Crises sécuritaires et recompositions internationales en Juin 2025

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS NO 56 : La force supplante-t-elle le droit ? Crises sécuritaires et recompositions internationales en Juin 2025 

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL 

30 JUIN 25 

Regards croisés sur la scène globale et la tourmente haïtienne 

Le mois de juin 2025 s’inscrit dans une séquence historique où la complexité des rapports internationaux se conjugue à l’intensité des crises régionales. Partout, la tentation de la puissance s’impose, reléguant la diplomatie et le droit international à l’arrière-plan. Haïti, plongée dans une spirale de violence inédite, se voit à la fois miroir et symptôme des dérèglements globaux. Dans cet article, nous vous proposons une exploration détaillée des dynamiques à l’œuvre, des scènes diplomatiques tumultueuses du G7 et de l’OTAN ([1], [2], [4], [7], [10]), aux drames quotidiens vécus par la population haïtienne ([12]), en passant par la rupture du « filet de sécurité » offert par la diaspora ([13], [14], [15]). Une analyse approfondie de six pages pour mesurer la portée de ce mois de juin 2025 charnière. 

Première partie : Un ordre international fragilisé 

La prééminence de la puissance sur le dialogue 

Depuis le début du mois de juin 2025, les tensions s’exacerbent sur plusieurs fronts. L’escalade militaire entre Israël et l’Iran, soutenue par une politique américaine offensive ([6], [8]), domine les manchettes. Les frappes aériennes et cyberattaques se multiplient, alors que la communauté internationale peine à imposer des cessez-le-feu durables. L’ONU, affaiblie par les vétos croisés de ses membres permanents, constate son impuissance et voit son autorité contestée. 

Au cœur de cette crise, la logique du « fait accompli » prévaut : la recherche de la stabilité par l’écrasement de l’adversaire supplante le dialogue. Les puissances régionales se dotent de nouvelles technologies militaires — drones, systèmes antimissiles, capacités cybernétiques ([9]) — et les alliances se recomposent au gré des intérêts stratégiques. Le Conseil de Sécurité, autrefois garant du droit international, apparaît relégué à un rôle consultatif, spectateur d’un monde en mutation. 

Crise ukrainienne et enlisement du conflit 

La guerre russo-ukrainienne, toujours sans issue malgré les innombrables tentatives de médiation, illustre la faillite des mécanismes classiques de résolution des conflits. En juin 2025, la ligne de front demeure figée autour du Dniepr, tandis que les pertes humaines et matérielles s’alourdissent. Les bombardements quotidiens sur Kharkiv, Odessa et le Donbass suscitent une vague de réfugiés vers l’Union européenne. Les sanctions économiques, accentuées ce mois-ci par l’embargo sur les hydrocarbures russes, contribuent à la récession mondiale, tandis que les marchés agricoles et de l’énergie sont profondément déstabilisés ([3]). 

Du côté ukrainien, la mobilisation générale atteint 400 000 effectifs, avec un recours croissant à la conscription féminine. Les drones de surveillance américains, opérant depuis la Pologne et la Roumanie, offrent un avantage tactique à Kyev, mais la défense aérienne russe, modernisée, inflige des pertes croissantes aux infrastructures civiles. Les agences humanitaires alertent sur la pénurie de médicaments et la multiplication des déplacés internes, dont le nombre dépasse 12 millions en juin 2025 ([5]). 

Le G7 au Canada : Priorités redéfinies 

Le sommet du G7, tenu à Ottawa du 7 au 10 juin 2025, a recentré le débat international sur les enjeux de sécurité collective ([1]). La lutte contre la prolifération des armes nucléaires, la sécurisation des approvisionnements stratégiques et la gestion des flux migratoires dominent l’agenda. La question du climat, bien que réaffirmée comme priorité à long terme, passe au second plan, éclipsée par l’urgence des crises sécuritaires. 

Les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur un plan d’aide d’urgence à l’Ukraine de 35 milliards d’euros, financé en partie par la saisie des actifs russes à l’étranger ([4], [5]). Cette mesure, inédite par son ampleur, divise les opinions publiques et suscite des tensions diplomatiques, notamment avec la Chine et l’Inde, qui dénoncent une violation du droit international des investissements. Le Canada, hôte du sommet, défend un renforcement de l’architecture multilatérale, mais les divergences internes affaiblissent la portée des engagements pris ([3]). 

L’OTAN à Rotterdam : L’Alliance sous pression 

Le sommet de l’OTAN, organisé à Rotterdam du 24 au 26 juin, témoigne de la volonté des membres de renforcer leur dispositif militaire ([1], [2], [7], [11]). Un objectif ambitieux est fixé : atteindre collectivement 5 % du PIB consacré à la défense d’ici 2035. À ce jour, seuls 11 États sur 32, dont la Pologne (4,7 %) et les Pays-Bas (4,1 %), respectent déjà le seuil des 2 %. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni annoncent des hausses budgétaires sur 10 ans, tandis que l’Espagne et l’Italie réclament une « adaptation progressive » pour éviter la casse sociale. 

Les discussions portent sur la modernisation des arsenaux, la mutualisation des stocks (hausse de plus de 30 % en un an) et l’intégration des technologies de rupture, telles que l’intelligence artificielle et la robotique de défense ([9], [11]). L’absence remarquée des partenaires asiatiques, invités mais non présents, révèle les limites de l’extension de l’Alliance hors de ses frontières traditionnelles ([10]). La solidarité affichée envers l’Ukraine – 35 milliards d’euros supplémentaires pour l’aide militaire et humanitaire – reste fragile, contestée par plusieurs membres qui craignent un enlisement à long terme. 

Sur le plan politique, la déclaration de Donald Trump, qui plafonne la contribution américaine à 3,5 % du PIB et promet une ligne dure envers l’Iran ([6], [8]), alimente débats et incertitudes sur la cohésion transatlantique. Les divergences internes, exacerbées par la campagne américaine à mi-mandat, fragilisent l’unité du bloc occidental ([7]). 

Deuxième partie : Haïti dans la tourmente sécuritaire 

L’extension de la violence armée 

En juin 2025, la crise sécuritaire en Haïti atteint un niveau sans précédent. Les bandes armées, historiquement concentrées à Port-au-Prince, étendent désormais leur emprise à des villes comme Mirebalais, La Chapelle ou encore Saint-Marc (?). Les hôtels sont réquisitionnés de force, les véhicules détournés à Tabarre ou à Croix-des-Bouquets, et la criminalité s’organise selon un schéma quasi-militaire, avec des réseaux de commandement structurés et des ramifications jusque dans la diaspora ([12]). 

La peur s’est installée durablement : couvre-feux non officiels, enlèvements quotidiens, attaques armées sur les routes nationales. Selon les chiffres du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), plus de 4 000 personnes ont été tuées ce seul mois de juin, tandis que 160 000 déplacés internes vivent dans des conditions précaires, fuyant les quartiers assiégés. L’économie informelle, pilier de la survie urbaine, s’effondre sous le poids de l’insécurité, et les services de base – électricité, santé, éducation – sont au bord de l’asphyxie ([12]). 

Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) , présidé par Fritz Jean, tente d’initier un dialogue national, mais la légitimité de ses membres est continuellement contestée. Les forces de police, mal équipées et sous-payées, sont débordées. L’intervention de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), sous mandat de l’ONU mais pilotée par le Kenya, tarde à se déployer sur le terrain. Les réseaux humanitaires alertent sur la montée des violences sexuelles et l’effondrement du système scolaire ([12]). 

Les dynamiques économiques et sociales 

La dégradation sécuritaire a un impact direct sur l’économie. Les transferts de la diaspora, qui représentaient 30 % du PIB en 2024, reculent de 18 % en juin 2025, en raison des difficultés à transférer des fonds et des inquiétudes relatives à la stabilité bancaire ([12], [13]). Les investissements étrangers se contractent, tandis que les entreprises locales ferment boutique ou délocalisent vers la République dominicaine. Le taux de chômage flambe, atteignant 70 % chez les jeunes de moins de 25 ans dans les zones urbaines. 

Face à cette crise, la résilience communautaire s’organise : multiplication des réseaux de solidarité, mise en place de corridors humanitaires, initiatives populaires pour la distribution de vivres et médicaments. Cependant, ces efforts restent insuffisants pour pallier l’ampleur de la catastrophe. Les ONG tirent la sonnette d’alarme sur l’insécurité alimentaire, qui touche désormais près de 60 % des ménages haïtiens, soit 7 millions de personnes ([12]). 

Gouvernance et perspectives politiques 

Le Conseil Présidentiel de Transition peine à construire un consensus autour d’un calendrier électoral ([12]). Les négociations avec les partis d’opposition, les organisations de la société civile et les représentants religieux s’enlisent. La communauté internationale, partagée entre le soutien à la transition et la crainte d’un chaos prolongé, multiplie les missions exploratoires. Aucun accord ne se dessine sur la réforme constitutionnelle, pourtant indispensable pour restaurer la légitimité des institutions. 

Les municipalités, privées de ressources, voient leur capacité de gestion réduite à néant. La population, désabusée, participe très peu aux consultations publiques. La défiance envers les élites politiques atteint un sommet historique, tandis que la polarisation idéologique s’accentue autour des questions de sécurité et de justice sociale ([12]). 

Troisième partie : La diaspora haïtienne face à la rupture du « filet de sécurité » 

Fin du Statut de Protection Temporaire aux États-Unis 

Le 27 juin 2025 marque un tournant pour la diaspora haïtienne aux États-Unis. L’administration Trump décide de mettre officiellement fin au Statut de Protection Temporaire (TPS) dont bénéficiaient près de 500 000 Haïtiens depuis le séisme de 2010 ([13], [15]). Cette mesure, validée par la Cour suprême malgré la mobilisation d’organisations civiques et des élus progressistes ([14]), impose le choix entre une régularisation coûteuse et incertaine ou un retour forcé dans un pays en crise profonde ([13], [15]). 

Les associations de défense des droits dénoncent une décision inhumaine, qui risque d’exacerber la crise humanitaire haïtienne ([13], [14], [15]). Les familles, souvent installées depuis des décennies, se voient menacées d’expulsion alors que les conditions de retour sont dramatiques : absence de logements, de travail, d’accès aux soins. La communauté internationale, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en tête, appelle à la solidarité et à la recherche de solutions durables pour éviter une tragédie migratoire ([15]). 

Impact sur la société et l’économie haïtiennes 

La perspective d’un retour massif de migrants pose des défis colossaux. Le gouvernement haïtien, déjà dépassé par la gestion de la crise interne, n’a ni les ressources financières ni les structures d’accueil adaptées ([12], [13], [15]). Les transferts de fonds, dont dépend la majorité des ménages, risquent de s’effondrer, privant le pays d’un soutien vital. Les risques de tensions sociales, de criminalité accrue et de conflits intercommunautaires sont réels, accentuant la fragilité de l’État ([13], [15]). 

Quatrième partie : Enjeux humanitaires et géopolitiques croisés 

Le rôle des acteurs internationaux 

Les organismes multilatéraux (ONU, OEA, Caricom) multiplient les initiatives pour soutenir Haïti. En juin 2025, l’ONU adopte une résolution ad hoc pour renforcer la coopération humanitaire et sécuritaire, mais les moyens restent limités face à l’ampleur de la crise ([12]). La Caricom, en lien avec le Brésil et le Canada, propose une médiation régionale, mais peine à obtenir l’adhésion des principaux protagonistes haïtiens. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement débloquent des fonds d’urgence destinés à la santé, à l’éducation et à la reconstruction, mais l’insécurité complique les opérations de terrain ([12]). Les organisations humanitaires internationales s’alarment de l’augmentation des attaques contre leur personnel et de la difficulté à acheminer l’aide dans les zones les plus touchées ([12]). 

La recomposition des alliances régionales et mondiales 

La crise haïtienne, dans un contexte de recomposition géopolitique globale, intéresse aussi bien les États-Unis que l’Union européenne, la Chine ou la Russie ([13], [15]). Chacun tente d’influencer la transition en cours pour préserver ses intérêts stratégiques et sécuritaires. Le déploiement de la MMSS, initiative soutenue par le Kenya, s’inscrit dans une logique nouvelle d’africanisation de la gestion des crises caribéennes, rompant avec la tradition d’intervention occidentale ([12]). 

Au plan régional, les relations entre Haïti et la République dominicaine se tendent, la question migratoire devenant un sujet explosif. Les échanges commerciaux chutent, alors que la frontière se militarise pour contenir les flux de réfugiés ([12]). Les organisations de la société civile appellent à une approche inclusive et à la reconstruction d’une coopération transfrontalière basée sur le respect des droits humains ([12], [13]). 

Conclusions et perspectives 

Pour le monde 

Juin 2025 restera comme un mois révélateur de la crise du multilatéralisme et de la montée des logiques de puissance. L’illusion d’une sécurité fondée sur la seule force s’estompe face à la persistance de l’instabilité mondiale ([1], [3], [6], [8]). La nécessité de repenser la gouvernance internationale, en réhabilitant le dialogue et le respect du droit, s’impose comme l’enjeu majeur des prochaines années. 

Pour Haïti 

La restauration de la sécurité en Haïti passe par une refondation profonde des institutions, une lutte implacable contre l’impunité et la relance de l’économie locale ([12], [13], [15]). Les solutions imposées de l’extérieur ne sauraient suffire : seule une appropriation nationale, associant toutes les composantes de la société, permettra de sortir de l’ornière. La solidarité internationale, pour être efficace, doit s’appuyer sur une écoute active des besoins haïtiens et sur un partenariat respectueux des droits fondamentaux ([12], [13], [15]). 

Références 

[1] Communiqué final du sommet de l’OTAN, 25 juin 2025. 

[2] Rapport OTAN 2025 sur les dépenses de défense. 

[3] Analyses économiques CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), juin 2025. 

[4] Déclaration conjointe des membres de l’OTAN sur le soutien à l’Ukraine, 24 juin 2025. 

[5] Reuters, « UK to fund Ukrainian air defense with frozen Russian assets », 24 juin 2025. 

[6] Conférence de presse de Donald Trump, Rotterdam, 25 juin 2025 (retranscription Maison Blanche). 

[7] Politico Europe, « NATO summit: Trump’s mixed messages on spending », 26 juin 2025. 

[8] The Washington Post, « Trump’s Hiroshima analogy draws backlash », 25 juin 2025. 

[9] Rapports du Defense Intelligence Agency (DIA) et de l’AIEA, mai–juin 2025. 

[10] Le Monde, « Sommet de l’OTAN : les partenaires asiatiques boudent Rotterdam », 23 juin 2025. 

[11] OTAN Briefing, « Enhancements to collective defense logistics », 26 juin 2025. 

[12] Déclarations du Conseil de Transition Présidentiel haïtien, 20–28 juin 2025. 

[14] haitianbridgealliance.org/haitian-bridge-alliance-applauds-attorney-generals-and-civil-rights-organizations-challenging-trump-administrations-termination-of-tps-for-haitian-nationals-in-court/?utm_source=chatgpt.com